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vendredi 5 avril 2013

Le retour de Gaston Flosse en Polynésie: Pourquoi tant de haine ?

Gaston Flosse face aux journalistes le 27 mars dernier


On peut prendre des tas d’images pour qualifier l’homme fort de la Polynésie: « Insubmersible»  « Incassable » « Le phénix qui renaît de ses cendres ». Ou « la tortue », qui serait selon le dossier à charge publié récemment par le Monde - Le diable de retour au paradis [1]- l’animal préféré de Gaston Flosse.
Toutes ces images fonctionnent car c’est effectivement incroyable, à 81 ans, il est de retour, plus combatif que jamais, le père de la Polynésie moderne, celui qui a pensé, conçu, mis en place, fait fonctionner ce pays, vaste comme l’Europe, mais éclaté en une centaine d’îles au cœur du Pacifique, celui qui a été élu, réélu, sans discontinuer depuis…1967, à l’Assemblée de Polynésie, celui qui a été également depuis 1978 député, député européen, secrétaire d’Etat ou aujourd’hui sénateur, celui qui s’est battu pour faire adopter par une France très centralisatrice le statut de très large autonomie qui  fait aujourd’hui de la Polynésie un P.O.M, un pays d’outre mer. Trois fois Président de la Polynésie, renversé il y a 5 ans, Gaston Flosse qui est un RPR à l’ancienne, un inconditionnel de Jacques Chirac était devenu un pestiféré, dans son propre camp politique. Nicolas Sarkozy avait décidé de faire passer l’ancien allié à la trappe au nom de la moralisation de la vie politique ultramarine. Avec sans doute des arrières-pensées. Comme Gaston Flosse l’expliquait à ses proches : « Avec Sarkozy, avant même que j’ouvre la bouche, il voit Chirac marqué sur mon front ». Ces dernières années, il a été poursuivi pour détournements de fonds, emplois fictifs, condamné, emprisonné, relaxé, en appel etc…, et il a réussi à revenir, et en force. Son parti a remporté les trois sièges de député aux dernières législatives et le rouleau compresseur s’est remis en marche, entrainant beaucoup de ceux qui, il y a quelques mois encore, le croyant à terre, l’avaient trahi et le vouaient aux gémonies.
Les 21 avril et 5 mai prochains, les polynésiens vont élire leur nouvelle Assemblée territoriale. Cette fois-ci le parti qui arrivera en tête, verra son avance confortée par une prime « majoritaire ». La Polynésie aura sans doute, une majorité, un gouvernement et un Président stables. Enfin ! Depuis 10 ans pas moins de 10 gouvernements se sont succédés !
On imagine bien qu’en 60 ans de vie politique et de pouvoir, Gaston Flosse traîne de nombreuses casseroles. Mais peut-être pas au point d’en faire un ignoble roitelet du Pacifique qui régnerait seulement par la terreur et le clientélisme. La Polynésie fait partie intégrante de la République, et même de manière imparfaite, la démocratie, la justice, la Cour des comptes, la presse, toutes ces institutions fonctionnent.
Et puis ce retour de Gaston Flosse n’est pas une simple fantaisie tropicale, due à une soit-disant indolence démocratique des polynésiens. Après avoir essayé toutes les autres combinaisons, beaucoup de polynésiens se disent qu’avec lui au moins, le pays a une chance de fonctionner. Il faut le voir débattre pendant près d’une heure et demi à la télévision en direct avec des journalistes pas forcément aux ordres - bien au contraire ! - en français et en tahitien, sans notes, connaissant tous les chiffres, tous les dossiers et ayant une vraie ambition, un projet pour son pays. Même ceux qui le détestent, lui reconnaissent ces qualités et admettent qu’il n’a pas d’équivalent, à la fois profondément tahitien et viscéralement République française.
J’ai travaillé brièvement avec Gaston Flosse à la Présidence de la Polynésie. Donc ces lignes pourraient paraître suspectes. Pourtant non. Parce que j’ai eu la chance de le cotoyer après qu’il ait été battu et ait fait une première traversée du désert, je ne l’ai pas reconnu dans le portrait qu’en vient de faire Le Monde. Il manque toute une dimension, celle d’un vrai homme d’Etat, travailleur acharné, avec une conscience sociale surprenante et une vraie vision de ce que peut être la Polynésie de demain. A une électrice européenne qui l’apostrophait un jour dans un bureau de vote à Pirae, sa commune dans la banlieue de Papeete, et qui lui reprochait très violemment de trahir la France qui lui avait tout donné, il répondit : « Madame, en Polynésie, il n’existe personne qui aime plus la France et la République que moi ». Paris a tort de voir en Flosse un ennemi. Et nous commettrions une erreur de ne pas voir la chance que constitue ce pays certes si loin de l’Europe mais auquel nous sommes liés depuis plus de 150 ans et qui se trouve au cœur du nouveau centre du monde, le Pacifique.
Alors, même si ce n’est sans doute pas éthique de faire passer en arrière plan les casseroles juridiques, un retour de Gaston Flosse à la tête de la Polynésie ne serait pas la pire nouvelle. Il paraît même être le seul capable de, peut-être, stopper la faillite dans laquelle s’enfonce la Polynésie depuis dix ans.


[1] « Barbouzes et argent sale, Gaston Flosse, le retour d’un roi » dans M le supplément du Monde du 23 mars 2013 

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